Il fut un temps où l’on mourait bien vite.
Où les poumons étaient de flanelle, où les mouchoirs ne savaient accueillir que de rouges crachats, où les cœurs poussaient embrumés dans de tristes maisons.
Il fut un temps où l’on n’était personne.
Vies anonymes, biffées, scellées, criblées de silence, enterrées avant que d’être.
Un temps de petites filles muettes, d’enfants presque morts-nés ou de longues traînées de bave centenaire de rien à rien.
Un temps où naître, vivre et mourir, c’était du pareil au même.
Où les poumons étaient de flanelle, où les mouchoirs ne savaient accueillir que de rouges crachats, où les cœurs poussaient embrumés dans de tristes maisons.
Il fut un temps où l’on n’était personne.
Vies anonymes, biffées, scellées, criblées de silence, enterrées avant que d’être.
Un temps de petites filles muettes, d’enfants presque morts-nés ou de longues traînées de bave centenaire de rien à rien.
Un temps où naître, vivre et mourir, c’était du pareil au même.
Infans celui qui se tait. Enfance tue et tuée dans le giron saturnien du Père.
Un temps de pierre.
Qu’est-ce qu’un héritage ?
Qu’en fait-on ?
Comment peut-on s’y dissoudre ?
Comment trouver moyen d’y sourdre ?
Qu’en fait-on ?
Comment peut-on s’y dissoudre ?
Comment trouver moyen d’y sourdre ?
Dans l’ombre du grand compositeur romantique Robert
Schumann, figure creusée par la nuit, une lignée. Une descendance, dit-on parfois.
Mais descendre où ?
Ici dans le vide, le puits du néant.
Quelques vies à peine balbutiées. Huit enfants, huit tombeaux, huit silences, huit notes mal égrenées, étouffées avant d’avoir traversé l’air, à peine trompées par quelques longs points d’orgue tout aussi frappés de morose existence :
Mais descendre où ?
Ici dans le vide, le puits du néant.
Quelques vies à peine balbutiées. Huit enfants, huit tombeaux, huit silences, huit notes mal égrenées, étouffées avant d’avoir traversé l’air, à peine trompées par quelques longs points d’orgue tout aussi frappés de morose existence :
Marie
Elise
Julie
Emilie
Ludwig
Ferdinand
Eugénie
Félix
Elise
Julie
Emilie
Ludwig
Ferdinand
Eugénie
Félix
Nicolas Cavaillès signe un livre étrange et fort : Les
huit enfants Schumann. Huit micro-biographies - et quelques autres - petites graines jetées sur le sol,
toutes mal poussées autour de celui qui…
J’en parle mal.
Il faudrait dire à quel point ce livre est beau et terrible.
On ne sait pas ce qui se produit au juste dans ces pages. C'est simple, factuel, précis, informé et puis ça décolle soudain en de sombres volutes, ça se déploie comme une fuite symphonique ou un animal de proie.
Un livre calme, insaisissable, lyrique, empoisonné.
Lisez, en 500 mots, la vie d’Eugène, mort à 16 mois. On a l’impression sous la plume de Cavaillès, que toute vie pourrait passer ainsi, dans ce même souffle, en deux longues phrases, et à cette même vitesse.
Voyez Félix, poète crevé dans l’œuf, loin de l'ombre même du père.
Phtisie, morphinodépendance, crises nerveuses, dépression.
Mais rien d’épais. Juste une lame au fil des phrases, l’air de rien.
Ça pense, ça grince.
Il y a des dates, des prénoms qui s’empilent mais quelque chose passe dans le sang.
Il y a des dates, des prénoms qui s’empilent mais quelque chose passe dans le sang.
Au fait :
Est-ce un livre sur la musique ? Sur la folie ? Sur la tristesse ? Sur l’enfance et la paternité ?
Est-ce un livre sur la musique ? Sur la folie ? Sur la tristesse ? Sur l’enfance et la paternité ?
Je ne sais pas.
C’est très beau, il faut le lire. Nicolas Cavaillès écrit de petits livres et c’est un grand écrivain.
Nicolas Cavaillès, Les huit enfants Schumann. Éditions du Sonneur. (à paraître le 21 avril 2016).