jeudi 27 juillet 2017

> Le poème du jeudi (#11)




DEUXIÈME ANNIVERSAIRE

Non, je n’ai pas pleuré toutes mes larmes
Elles se sont amassées en moi.
Depuis longtemps mes yeux n’en ont plus,
N’en ont plus aucune, et je vois le monde.

Plus rien ne m’étouffe, aucune torture,
Douleur de l’offense, ou de l’absence.
Leur sel, qui brûle tout, s’est glissé
Dans mon sang. Tout est lucide et sec.

J’ai l’impression qu’en quarante et un,
C’était, je crois, le premier jour de juin,
Est apparue, comme sur une soie
Froissée, ton ombre de martyre.

Partout encore s’imprimait le sceau
Des grands malheurs, des récentes menaces.
Et j’ai aperçu ma ville à travers
L’arc-en-ciel des larmes dernières.


Anna Akhmatova, 1946. Traduit du russe par Jean-Louis Backès.
In Requiem, Poème sans héros et autres poèmes. Poésie/Gallimard, 2007.



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