Paru en 1957 chez Gallimard, La cendre aux yeux a été réédité par Le Dilettante en octobre 2009. Occasion de redécouvrir un auteur que la postérité a quelque peu remisé dans ses tiroirs. Le roman connut pourtant un certain succès puisqu’il figura dans la dernière sélection du Goncourt 1957 entre La Modification de Michel Butor et La loi de Roger Vailland et obtint le prix Fénéon en 1959 comme le rappelle Catherine Rabier-Darnaudet dans sa post-face.
Enlevé sur le ton d’un journal, La cendre aux yeux est le récit d’un narrateur cynique et désabusé qui mène une vie de petit rentier, faite de liaisons multiples et peu durables, de flâneries en ville et de vagues moments d’ennui. Il s’est organisé pour pouvoir vivre à ne rien faire. Il laisse à un frère plus industrieux le soin de faire fructifier le capital d’une succession dont il ne réclame qu’une quote-part minime en contrepartie de ce luxe inoui : pouvoir ne se mêler de rien.
Notre homme se met un jour en tête de conquérir Isabelle, une adolescente croisée dans la rue et dont il ne sait rien. Bien qu’il ne fasse pas grand cas de ses talents de séducteur, il se sent suffisamment aguerri et déterminé pour arriver à ses fins auprès d’une jeune fille inexpérimentée. Il entre alors dans une relation dont il programme et mesure les progrès quotidiens, tout en goûtant les plaisirs successifs qu’ils lui procurent. Il arrivera bien sûr à la liaison tant convoitée, et s’en lassera au bout d’un temps, forcément. Trop tôt et trop brutalement aux yeux de sa maîtresse qui se réserve, après un premier raté quelque peu ridicule, la fin tragique que son bourreau ne redoutait plus.
Enlevé sur le ton d’un journal, La cendre aux yeux est le récit d’un narrateur cynique et désabusé qui mène une vie de petit rentier, faite de liaisons multiples et peu durables, de flâneries en ville et de vagues moments d’ennui. Il s’est organisé pour pouvoir vivre à ne rien faire. Il laisse à un frère plus industrieux le soin de faire fructifier le capital d’une succession dont il ne réclame qu’une quote-part minime en contrepartie de ce luxe inoui : pouvoir ne se mêler de rien.
Notre homme se met un jour en tête de conquérir Isabelle, une adolescente croisée dans la rue et dont il ne sait rien. Bien qu’il ne fasse pas grand cas de ses talents de séducteur, il se sent suffisamment aguerri et déterminé pour arriver à ses fins auprès d’une jeune fille inexpérimentée. Il entre alors dans une relation dont il programme et mesure les progrès quotidiens, tout en goûtant les plaisirs successifs qu’ils lui procurent. Il arrivera bien sûr à la liaison tant convoitée, et s’en lassera au bout d’un temps, forcément. Trop tôt et trop brutalement aux yeux de sa maîtresse qui se réserve, après un premier raté quelque peu ridicule, la fin tragique que son bourreau ne redoutait plus.
Pourtant, l’histoire ainsi résumée laisse mal entrevoir l’épaisseur du personnage. Graphomane de sa propre petite existence («Mon vice : griffonner sur du papier, le souiller. Me raconter»), l’abuseur abandonne souvent son récit à des suppléments de paroles : souvenirs, considérations générales, digressions. Le cœur de l’histoire (la séduction et l’abandon d’Isabelle) semble surgi par hasard dans le flot d’une écriture quotidienne qui dépasse largement ce seul cadre.
Il est bien sûr tentant de rapprocher le roman de Forton des Liaisons dangereuses d’une part et de Lolita de l’autre. La critique de la fin des années cinquante a souvent tenté la comparaison avec Valmont. Quant au Humbert Humbert de Nabokov, il est presque un contemporain du narrateur de La cendre aux yeux (la traduction de Girodias paraît en 1958). Mais de tels rapprochements montrent vite leurs limites. Humbert Humbert subit l’emprise incontrôlable de la passion et la jeunesse de Lolita lui échappe bien plus qu’il ne la gouverne. Valmont met en place un plan qui vise réellement à perdre sa vertueuse conquête et s’efforce ensuite de mettre son système de valeurs à l’épreuve du terrain glissant des sentiments. Le narrateur de La cendre aux yeux se distingue – par le bas, pourrait-on dire - de ces deux figures. Il cultive une certaine médiocrité et se fraye un chemin fait de compromis, de tâtonnements, de mesquineries.
Il n’en demeure pas moins complexe et apparaît souvent comme cyclothymique et sujet à des sentiments contradictoires : amoureux quand il pourrait n’être que calculateur, misanthrope recherchant la compagnie des autres, il est également capable d’admirer ceux qu’il méprise ou de prendre un réel plaisir à dîner dans les cadres cossus de cette bourgeoisie bordelaise en redingote dont il fait son gibier.
Parfois dépressif et quelque peu aigri dans son désoeuvrement il est pourtant doté, tel un Delerm égaré, d’un sens communicatif des petits plaisirs de la vie :
« Je bus une bouteille de Bourgogne qui m’apporta ce degré d’euphorie où l’on commence à croire qu’un grand bonheur se prépare, qui vous est destiné. »
Ou plus loin :
« Mais je n’aurais pas été fâché de tomber malade. Je souhaitais presque la douceur de la fièvre, ces rêveries faciles qui viennent lorsqu’on est enrhumé, couché au fond d’un lit »
Le narrateur déploie également, au cours de son entreprise incorrecte, une clairvoyance à laquelle quelques lecteurs se souviendront sans doute d'avoir avoir déjà recouru.
Certes, on ne trouvera pas là la puissance d’écriture d’un Nabokov, mais le récit de Forton nous emporte, tantôt amer et dérangeant, tantôt réjouissant et corrosif. Il se lit d’un trait et on en redemande.
Jean Forton, La cendre aux yeux. Le Dilettante, 2009
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