jeudi 29 juin 2017

> Le poème du jeudi (#7)




POÉSIE SANS PHRASES

Comme ce serait bien de quitter un jour tous les quatre
Cambo les Oies dans un fiacre
pour visiter l’Europe et les deux Amériques
ô chic !
Et déjeuner au bord de l’Orénoque
avec des gens loufoques


Paul Gadenne
Poèmes, Actes Sud, 1988.

jeudi 22 juin 2017

> Le poème du jeudi (#6)



Je suis une chambre close
Je vis entre mes murs

Ils me gardent me suivent
– sage et verrouillée
de peur de l’évasion

Par mon unique fenêtre
– toute petite
tu glisses ta langue

alors

pierres se détachent
murailles tombent

Comme ils cognent
quand ils sont forts

les sentiments

C’est
le goût de l’air libre
et de l’avenir long
que tu me donnes

dans ce baiser



Estelle Fenzy
in "Saxifrages" – Revue Terre à Ciel 



jeudi 15 juin 2017

> Le poème du jeudi (#5)





La preuve que je n’existe pas c’est que moi non plus
car flotte dans le regard de l’autre
ce halo qui me fait songe



Tristan Felix  
Aphonismes, éditions Venus d’ailleurs, 2017.

jeudi 8 juin 2017

> Le poème du jeudi (#4)




MORT-NÉS

Ces poèmes ne vivent pas : c’est un triste diagnostic.
Ils ont pourtant bien poussé leurs doigts et leurs orteils,
Leur petit front bombé par la concentration.
S’il ne leur a pas été donné d’aller et venir comme des humains
Ce ne fut pas du tout faute d’amour maternel.

Ô je ne peux comprendre ce qui leur est arrivé !
Rien ne leur manque, ils sont correctement constitués.
Ils se tiennent si sagement dans le liquide formique !
Ils sourient, sourient, sourient, sourient de moi.
Et pourtant les poumons ne veulent pas se remplir ni le cœur s’animer.

Ils ne sont pas des porcs, ils ne sont pas même des poissons,
Bien qu’ils aient  un air de porc et de poisson -
Ce serait mieux s’ils étaient vivants, et ils l’étaient.
Mais ils sont morts, et leur mère presque morte d’affolement,
Et ils écarquillent bêtement les yeux, et ne parlent pas d’elle.


Sylvia Plath
in La Traversée (Arbres d’hiver précédé de La traversée), traduction Valérie Rouzeau (Poésie/Gallimard, 1999)



jeudi 1 juin 2017

> Le poème du jeudi (#3)




…corps étrange, corps asymétrique,
étonné de soi-même
en présence des sphères,

étonné se tenant devant le soleil,
attendant avec patience que croisse à la lumière
un corps sur mesure.


Nichita  Stănescu

in "Onzième élégie", Anthologie de la poésie roumaine, traduction George Aurel Boeşteanu  (Nagel , 1981)