jeudi 30 avril 2020

> Le poème du jeudi (#155)




Moisson du blé —
Je tremble au souvenir
De ma ville en flammes.


/


Terayama Shûji, in Le poème court japonais d’aujourd’hui. Poésie Gallimard, 2007. Traduit du japonais par Corinne Atlan et Zéno Bianu.

jeudi 23 avril 2020

> Le poème du jeudi (#154)




Imite, autant qu’il dépend de toi, les libertins ;
Sape les fondements de la prière et du jeûne.
Écoute la Parole de Vérité d’Omar Khayyam :
« Enivre-toi, vole sur les grands chemins, et sois bon. »

/

Omar Khayyam, in Les Quatrains. (Première moitié du XIIIe siècle.) Allia, 2015. Traduit de l’anglais (d’après un manuscrit traduit du persan en 1460) par Charles Groleau, en 1902.

jeudi 16 avril 2020

> Le poème du jeudi (#153)




De rien du tout


J’ai cassé la noix du souvenir
et l’image m’échappe
écureuil de courte mine
court encore de fenêtre en fenêtre
où se montre une bouche errante
et une fuite riante de lèvres

pour l’avoir donnée en mille
j’ai vécu de moquerie
de feu froid du bruit des mouches
de la hargne des oiseaux
et devant le mur aveugle
j’ai donné ma langue au chat


mais qu’importe solitude
soif de mondes vin amer
je suis là je suis nulle part
l’acier d’un ciel plus vif
que l’hiver brûle et veille
au chevet de ma colère

toute la joie toute ma peine
qu’au jour mûr on s’en souvienne

/

Tristan Tzara, in Poésies complètes. Flammarion, 2011.



jeudi 9 avril 2020

> Le poème du jeudi (#152)



LA CAVE AUX SAUCISSONS

J’adore malaxer.
Je t’empoigne un maréchal et te le triture si bien qu’il y perd la moitié de ses sens, qu’il y perd son nez où il se croyait du flair et jusqu’à ses mains qu’il ne pourra plus porter à son képi, même si un corps d’armée entier venait à le saluer.
Oui, par triturations successives, je le réduis, je le réduis, saucisson désormais incapable d’intervention.
Et je ne me contente pas de maréchaux. J’ai dans ma cave quantité de saucissons qui furent autrefois des personnages considérables, et apparemment hors de ma portée.
Mais mon instinct infaillible de jubilation triompha des difficultés.
S’ils font encore dans la suite quelque éclat, vraiment ce n’est pas de ma faute. Ils n’eussent pu être malaxés davantage. On m’assure que certains s’agitent toujours. Les journaux l’impriment. Est-ce réel ? Comment le serait-ce ? Ils sont enroulés. Le reste est une queue de phénomène comme on en rencontre dans la nature, sorte de mystère de l’ordre des reflets et des exhalaisons et dont il ne faudrait pas exagérer l’importance. Non, il ne le faut pas.
Dans ma cave, ils gisent, en profond silence.

/

Henri Michaux, in La Vie dans les plis. Éditions Gallimard, 1949.

jeudi 2 avril 2020

> Le poème du jeudi (#151)




BRIN

Brin d’herbe
Battu par les vents
De la tempête
Je me relève sans bruit
Sous un soleil
Au beau fixe

/

Christophe Brégaint, in « Gustave », N°93, semaine du 30 mars 2020.