jeudi 25 avril 2019

> Le poème du jeudi (#102)



Ce qui ne parle pas,
je l'écoute.


Ce qui n'a pas de lieu,
je le retrouve dans son lieu.


Ce qui tombe,
je me retiens à son assise.


Je vois vivre
tout ce qui meurt.


Je disparais
avec ce qui demeure.

/

Claude Esteban in Le jour à peine écrit (1967-1992). Gallimard, 2002.

jeudi 18 avril 2019

> Le poème du jeudi (#101)




Quel est donc ce vide qui s'enfièvre ?
Les rivières, les plages, les aéroports et les gares sont mes boîtes à musique, à carillons acidulés.
Moi : ce point instable et vibratoire sur lequel toute altérité vient jouer sa musique.

/

Jean-Michel Maulpoix, in Chutes de pluie fine. Mercure de France, 2002.

jeudi 11 avril 2019

> Le poème du jeudi (#100)




LE CŒUR NAVIGUANT


Loin des cultes
qui nous réduisent en cendres
Des tempêtes
où le ciel se force en vain une entrée,
Loin des puissances d’airain que d’autres puissances culbutent

Élisons encore la vie
Au sommet du jour blessé

Plutôt les fruits hasardeux
Que la lettre de marbre,
Plutôt toujours chercher
Et ne jamais savoir :

Arc à travers buissons,
Ailes à travers pièges,
Que la sinistre fresque
d’une vérité bouclée.

Le temps fond comme cire,
Et les verrous ne cèdent qu’au cœur naviguant.

/

Andrée Chedid, in Poètes de la Méditerranée. Poésie/Gallimard, 2010.

jeudi 4 avril 2019

> Le poème du jeudi (#99)




CONFIANCE

Il y aura un œil encore,
un œil inconnu, à côté
du nôtre : muet
sous une paupière de roche.

Venez, forez votre galerie.

Il y aura un cil,
tourné vers le dedans de la roche,
durci à l’acier du non-pleuré,
le plus fin de tous les fuseaux.

Il fait devant vous son ouvrage, comme si
parce que la pierre existe, il y avait encore des frères.

/

Paul Celan, in Choix de Poèmes. Poésie/Gallimard, 1998. Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre.