jeudi 30 juillet 2020

> Le poème du jeudi (#168)



Triste vitesse


à l’aube
comme sa mère qui fuyait pour éviter le couteau du père
comme son grand frère qui attendait que le père tombe ivre mort pour vite lui soustraire son couteau
l’ombre d’un gamin qui passe rapidement

en y repensant
toutes les vitesses sont tristes.

/

Kim Chudae, in « Poésie coréenne contemporaine », La Tête et les Cornes, 2014. Traduit du coréen par Benoît Berthelier.

jeudi 23 juillet 2020

> Le poème du jeudi (#167)



Os

Mains sur le balcon : sang que l’étreinte de la balustrade ablanchi, minuscules fractures. Seins sans squelette, mes mamelons aveugles et leur longue obscurité.
Aujourd’hui chaque mot est de l’air :
la mort monte au ciel : une feuille de laurier
solitaire, plus détachée que les autres, désormais sans nervures.

/


Antonella Anedda in Anabase (extrait), Les Poètes de la Méditerranée, Poésie/Gallimard, 2010. Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para.

jeudi 16 juillet 2020

> Le poème du jeudi (#166)




Je reste dans le désordre, l’été
revient avec ses matins solitaires.
Si tu m’avais perdue dans la rue
comme il arrive aux choses les plus importantes
quand par mégarde elles tombent d’une poche
ou pire encore quand on nous les vole,
c’eût été mieux que de t’appartenir encore
saine et sauve sur une étagère qui s’emplit
à mesure que s’accroît le monceau des heures.
Je bouge autour de toi comme la poussière
et tu ne m’as jamais entendue marcher.

/

Isabella Leardini, in « Une Saison d’air ». Revue Europe, 2008. Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para.

jeudi 9 juillet 2020

> Le poème du jeudi (#165)




En t’attendant


Les soirs trop noirs
en t’attendant
j’allume un feu

et te voilà

/

Thomas Vinau, in C’est un beau jour pour ne pas mourir. Le Castor Astral, 2019.

jeudi 2 juillet 2020

> Le poème du jeudi (#164)



Mais la terre...
De mes doigts, les souvenirs
Tombent dans un vide vide.
Coup de bec, la seconde me décharne,
Voici que tout miroir m’oublie.
Je perds les piastres de mon trésor,
Sème les lueurs de mon iris.
Mon nom tremble dans les eaux.
Gelée, les mots glissent,
Fil d’oeuf. Et moi, pleur végétal,
Je coule puis sèche et me pétrifie,
Enfin pierre ponce,
Enfin sans pesanteur et minéral.
Je ne suis plus qui je fus, m’abandonne,
Dégorge dans l’éructation des volcans.
Ma belle, je t’aurais aimée, dis-tu,
Mes artères, coraux, le disent,
Le diront peut-être, le diront
Dans cent ans, dans mille ans,
Quand rien ne restera,
Mais la terre et la terre et la terre et la terre...

/

Gabrielle Wittkop, in Litanies pour une amante funèbre. Le Vampire Actif, 2017.