dimanche 2 janvier 2011

> Le livre noir de la langue française




Peu de langues ont été aussi choyées et portées aux nues que le français. On ne compte plus les écrivains étrangers qui s’y sont convertis, les institutions qui l’ont encensé, les intellectuels qui l’ont promu. On trouvera également peu de langues qui aient autant focalisé l’attention des acteurs de la diplomatie culturelle d'un Etat que la nôtre. Les questions de sa défense, de son maintien sur la scène internationale ou de sa diffusion passent souvent pour déterminantes aux yeux de ceux qu’intéresse le rayonnement de la France et, dans une plus large perspective, celui de la francophonie.

Cette passion et ce prosélytisme singuliers ont une histoire qui commence sans doute avec Du Bellay à une époque où le français doit affirmer sa capacité et sa légitimité à exister à côté du latin et qui se poursuivra avec le célèbre et triomphal discours de Rivarol sur l’universalité de la langue française.

Mais une autre histoire se dessine au creux de celle-ci qui n’avait encore jamais été mise en lumière de façon organisée, réfléchie et systématique. Si l’on n’ignore pas les engouements que le français a pu susciter on n’est sans doute moins au fait des représentations négatives et des critiques multiples, sévères et étayées dont il a pu faire l’objet depuis trois cent ans, critiques d’autant plus surprenantes qu’elles ont souvent été initiées ou reprises par ceux-là même que la postérité devait retenir comme les plus grands ambassadeurs de notre langue : Voltaire, Diderot, D’Alembert, Rousseau, Lamartine, Flaubert… Dans Le français, dernière des langues, c’est cette histoire que Gilles Philippe nous raconte. L’essai est érudit, documenté et on le trouve au rayon linguistique des bonnes librairies. Il fait pourtant partie de ses faux ouvrages de spécialité qui, par leur souci pédagogique et les perspectives qu'ils ouvrent, s’adressent en fait à un public bien plus large que celui de leur seul cénacle.

Car derrière les débats et les polémiques qu’il relate, ce petit précis de « gallophobie » pose bien des questions : peut-on isoler une langue des textes dans lesquels elle s’incarne ? Où se joue, si tant est que ces termes aient un sens intrinsèque, la force, la clarté, la beauté, la musicalité, la richesse lexicale d’une langue… ou leur contraire ? La littérature peut-elle racheter les défauts supposés ou avérés d’une langue ?

Gilles Philippe nous entraîne dans un voyage foisonnant et nous accompagne le long d’une frontière bien ténue : celle qui sépare la description objective du jugement de valeur et le constat grammatical du fantasme linguistique.





« Pour parler à Dieu je parle en espagnol ; pour parler à mon banquier, je parle florentin ; pour parler aux femmes je parle en français ; et pour parler à mon cheval sur le champ de bataille, je parle en allemand. »

Ces remarques sont prêtées à Charles Quint. Malgré leur intention pragmatique, elles laissent entendre que chaque langue possèderait un génie propre qui lui prêterait une forme d’autorité ou de supériorité dans un domaine de spécialité donné. Langue de l’amour, du commerce, de la poésie, de la philosophie, de la loi… Faites votre choix, Babel a bien fait les choses ! Dans cette répartition des habiletés propres à chaque langue, certaines se trouveraient alors fatalement mieux dotées que d’autres… Contrairement à ce que pourrait nous laisser penser toute une culture patrimoniale, le français n’a pas toujours été le mieux servi à ce jeu du décompte des mérites de chaque langue.

Si la langue française a été régulièrement couverte d’éloges, si elle a été la langue européenne par excellence pendant plusieurs siècles, Gilles Philippe se propose néanmoins de sonder le « gouffre d’oubli » dans lequel semblent avoir disparu les très nombreuses critiques dont elle a pourtant fait l’objet depuis le XVIIème siècle. La mémoire, comme l’histoire, est sélective, car c’est d’ailleurs souvent dans les grands textes qui en ont fait par ailleurs l’apologie qu’étaient pointés les défauts substantiels du français. Si l’on trouve déjà durant le Grand Siècle des textes qui soulignent les imperfections de notre langue, c’est dans la Lettre à l’Académie de Fénelon (1714) que Gilles Philippe voit l’acte de naissance de la longue histoire des discours critiques à l’encontre de la langue française. Ce texte reprend plusieurs idées qui seront reprises et développées par de nombreux autres écrivains, penseurs, traducteurs.

D’abord, la langue française est lexicalement pauvre. Elle est de ce point de vue indéniablement inférieure aux grandes langues anciennes auxquelles elle sera d’abord comparée : le latin (dont elle s’est affranchie à grand peine) et le grec. Si Fénelon parle dans sa Lettre plutôt d’une langue appauvrie que d’une langue pauvre, c’est qu’il tient d’abord à faire le procès de la grande épuration qui a donné naissance à la langue classique. Mais d’autres s’empareront bientôt de ce défaut que Fénelon considérait plus comme conjoncturel que structurel, pour en faire un trait essentiel du français. Alors que La Bruyère reconnaissait avoir eu bien du mal, pour des raisons d’insuffisance de vocabulaire, à traduire Théophraste dans notre langue, Voltaire lancera à quiconque le défi de traduire les Géorgiques en parvenant à rendre l’immensité du champ lexical agricole déployé dans l’œuvre de Virgile. Et si, finalement, Jacques Delille relèvera le défi dans une traduction qui trouvera grâce aux yeux de Voltaire, ce premier talon d’Achille sera montré du doigt durant plusieurs siècles… L’indigence lexicale du français, d’abord mise en relief par comparaison au latin et au grec, passera aussi pour un trait récurrent lorsque l’on comparera entre elles les vertus des langues européennes. Le français joue ici perdant sur tous les tableaux. Edmond de Goncourt concèdera en 1884 que « la langue française est peut-être de toutes les langues des peuples civilisés du monde, la langue possédant le plus petit nombre de mots ». Paul Valéry, entre autres, reprendra cette idée et reviendra sur le manque de fonds lexical du français (en regard notamment de l’anglais), qu’il désigne comme « l’une des langues les plus lacuneuses »… Nombreuses sont les réalités que, contrairement à l’anglais, aucun terme ne désigne alors que certains signifiés forts différents se partagent souvent le même mot (rien ne permet de désigner en français une mère qui a perdu tous ses enfants alors que belle-mère est d’une ambivalence unique et fâcheuse). Mais c’est aussi une certaine inaptitude du français à la dérivation lexicale que Valéry souligne. Car au-delà du manque de mots, le français pècherait aussi par son peu d’ouverture naturelle à la création lexicale… Là ou d’autres langues adoptent avec bienveillance des « nouveaux venus » générés presque naturellement par dérivation, suffixation, substantivation d’adjectifs ou de verbes ou production décomplexée de néologismes, le beau français grince des dents… C’est le sens de la remarque prêtée à Voltaire et souvent reprise au XIXème et au XXème siècle : la langue française est une « gueuse fière ». « Gueuse » parce que relativement pauvre d’un point de vue terminologique, « fière » parce que refusant néanmoins d’adopter les solutions qui lui permettrait de pallier à ce défaut. Le français manque de vocabulaire pour parler des « petites choses » et, d’autre part, se refuse trop fréquemment à produire les mots qui lui manquent par des moyens qui pourtant sembleraient aller de soi…

Au-delà du simple décompte des mots, cette frilosité néologique reflète une rigidité qui engage bien plus que la seule question du vocabulaire. Et l'on touche là à l'autre critique importante dont le français a constamment fait l’objet : sa raideur syntaxique. A la pauvreté terminologique s’adjoindrait une surabondance nuisible de mots grammaticaux et un ordre obligé de la phrase qui feraient à la fois de notre syntaxe l’une des plus outillée du monde mais aussi l’une des moins souple et des plus contraignantes… Représentation ou constat, le fait est que cette « raideur syntaxique » constitue le second point nodal des critiques adressées au français depuis le XVIIème siècle. Après Voltaire c’est sans doute Jean-François de la Harpe qui, dans son opus De la langue française comparée aux langues anciennes entérine cette tradition critique. Regrettant la souplesse du latin et du grec, il avance de nombreux exemples visant à nous faire sentir la lourdeur de ces innombrables mots-outils dont ne peut se passer le français. Ainsi pour traduire la phrase latine «fugam circumspiciebant» qui tient en deux mots, le français est obligé d’en utiliser dix : «ils regardaient autour d’eux de quel côté ils fuiraient». La phrase française avance à la façon d’un véhicule qui exhiberait à chaque instant toutes les pièces de son moteur… Si Gilles Philippe rappelle que de nombreux grammairiens étrangers se disent surpris de cette profusion de chevilles grammaticales, il ne manque pas de rappeler que beaucoup d’écrivains français se sont également déclaré fatigués d’avoir à s’y colleter… Flaubert se plaignait souvent à Louise Collet des ses incontournables mots-outils (dont le « que » omniprésent et indigeste…) qui alourdissait la phrase ; Julien Gracq rêvait de retrouver l’élasticité des constructions latines pour échapper «aux solides sutures de la syntaxe française» et à ses «boutons et boutonnières»…





Troisième point sur lequel s’est depuis longtemps appesanti la critique : la pauvreté rythmique et musicale du français. Déjà corsetée par ses si visibles béquilles grammaticales et la place contrainte des mots dans la phrase, le français est de plus une langue non accentuelle, d’une singulière atonie dès qu’on la compare au grec, au latin, aux autres langues romanes ou encore aux riches mélodies de l’anglais. Et il n’a pas manqué de traducteurs, linguistes, écrivains et poètes pour considérer que le français serait, par voie de conséquence, l’une des langues les moins musicales et donc les moins poétiques qui soit. Si Voltaire a préparé le terrain à une longue tradition critique concernant l’indigence lexicale du français c’est sans doute à Rousseau que l’on doit d’avoir stigmatisé le défaut de musicalité de la langue française. Dans sa Lettre sur la musique française, Rousseau met en avant l’idée (que développera plus tard Stendhal) selon laquelle la musique italienne est profondément supérieure à la musique française. Si sa Lettre vise prioritairement la musique et non la langue, il appuie néanmoins son propos sur une critique d’ordre linguistique : « je crois avoir fait voir qu’il n’y a ni mesure ni mélodie dans la musique française, parce que la langue n’en est pas susceptible ; que le chant français n’est qu’un aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue ». La radicalité de ces remarques, qui déclenchera une vive polémique dès 1753, reprend également des considérations d’ordre grammatical : inapte aux inversions auxquelles recourt fréquemment l’italien, la phrase française ennuie, se prête mal au récitatif, est étrangère à l’essence même de la musique… Dans l’Essai sur l’origine des langues, Rousseau donnera une assise théorique à cette critique. La langue originale qui était avant tout rythme, chant, image a peu à peu perdu de son expressivité au cours du temps, elle s’est asséchée, conceptualisée… et dans cette évolution il est clair que le français est, aux yeux de Rousseau, la langue qui a le plus radicalement suivi cet infléchissement. Ces critiques seront largement reprises, au XIXème siècle, par tout un courant critique venu d’Italie. Le poète Giacomo Leopardi, laissant de côté l’atonie sonore du français, développera l’idée selon laquelle le français est incapable de jouer sur la part d’indéfini, de halo, d’expressivité non conceptuelle nécessaires à toute poésie. Gilles Philippe ramène cette argumentation à la représentation fort répandue du français comme d’une langue outrancièrement grammaticale :

« Malgré l’abstraction du propos, on peut se risquer à deviner ce dont il s’agit : de la surgrammaticalisation du français qui obligerait à tisser les phrases d’outils grammaticaux – articles, pronoms, conjonctions, prépositions – sans autre portée, peut-on croire, que de préciser le statut exact des mots qui y apparaissent et d’en stabiliser le sens à l’intérieur du cadre étroit de l’énoncé, en éteignant ainsi toutes les harmoniques »

Certes, les propos de Leopardi sont assez peu étayés et on ne peut faire abstraction du contexte particulier dans lequel s’est développé le débat des mérites comparés de l’italien et du français. Gilles Philippe le rappelle brièvement, l’italien a été la langue européenne par excellence jusqu’au début du XVIIème siècle et s’est vu peu à peu détrôner par le français dans les périodes qui ont suivi. Ce déplacement dans la hiérarchie culturelle des langues était à même de susciter des réactions, des critiques, d’alimenter, sous couvert d’analyse linguistique, des polémiques relevant, pour reprendre le terme de Louis-Jean Calvet, de ce que l’on peut appeler la guerre des langues. Mais cette « impoéticité » du français a fait également l’objet de débats franco-français dans le champ de la littérature et de la poésie et une bonne partie des conventions qui se sont imposés dans la poésie française semblent avoir eu pour objectif de pallier à certaines incommodités de la langue. Les règles de métrique et de versification, les licences permettant d’introduire des inversions peu naturelles, la gestion complexe du « e » muet (l’une des grandes singularités de notre langue et la grande épine au pied de notre poésie…) dans le décompte syllabique, le recours aux ressources allitératives peuvent être envisagés comme autant d’efforts pour « poétiser » une langue naturellement non poétique, faire chanter une langue naturellement non musicale. Paul Valéry, Paul Claudel s’interrogeront souvent sur les moyens à mettre en œuvre pour inventer une musicalité « à la française ». Yves Bonnefoy, à la fois traducteur et poète, ne manquera pas non plus d’interroger les limites de notre langue sur le territoire de la poésie, la difficulté qu’il y a, en français, à exprimer ce par quoi se joue l’essence même de la poésie : notre présence au monde.

La seule qualité attribuée de longue date au français et qui semble presque jamais n’avoir été remise en question est sa légendaire clarté… Cette qualité pourrait d’abord surprendre si l’on revient sur certaines spécificités de notre langue : surabondance homonymique, indigence terminologique, présence d’incohérences dans la formation de certains mots (comme cet « implacable » formé sur la base du préfixe privatif « im » alors que l’épithète « placable » n’existe pas…)… magma polysémique qui fait aussi du français l’une des langues les plus prolixes sur le terrain du calembour, du jeu de mot, du double sens et de l’ambivalence. Mais cette clarté semble paradoxalement pouvoir être expliquée par l’un de ses traits distinctifs si souvent présenté par ailleurs comme un défaut : la rigidité syntaxique de notre langue et l’ordre analytique à partir duquel se construit la phrase française. Ainsi, ce qui ferait défaut sur le plan de l’expressivité, permettrait justement d’organiser l’énoncé selon un schéma rigoureux laissant peu de place possible à la mésinterprétation. Précision, sens du détail, cheminement logique de la pensée : tout concourrait donc à justifier cette incomparable clarté de la langue française. Gilles Philippe rappelle toutefois qu’il peut être tentant de justifier dans l’ordre de la langue ce qui relève en fait de paramètres historiques indépendant d’elle. Le français a en effet tenu lieu de langue des échanges diplomatiques en Europe pendant plus d’une centaine d’année et il a été souvent avancé que la précision de la structure énonciative française justifiait que cette langue soit préférée aux autres pour la rédaction des traités et la communication entre les acteurs du monde politique et économique…

On pourrait alors penser que, contrairement au découpage proposé par Charles Quint, le génie de la langue française la porterait plus naturellement à occuper le terrain du raisonnement, de la pensée scientifique et de la philosophie. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle arrivait finalement Rousseau. Le français pouvait se consoler de ses faibles dispositions poétiques et musicales en se présentant comme la langue de la sagesse et du raisonnement. Ce n’est pourtant pas si simple et Gilles Philippe revient également sur tout un courant de pensée qui a cherché à limiter la portée philosophique de la langue française. Trop analytique, trop contrainte à se soumettre aux injonctions de sa propre grammaticalité, le français parviendrait difficilement à s’inscrire dans deux courants qui ont marqué l’histoire moderne de la philosophie : l’empirisme dans lequel l’anglo-saxon, par sa souplesse et sa capacité « humienne » à exprimer les qualités avant la substance s’inscrirait plus naturellement ; et la phénoménologie que la langue allemande serait à même de porter à son plus haut point, grâce à sa capacité d’exprimer une pensée synthétique et donc plus proprement spéculative… Heidegger ne considérait-il pas que seuls l’allemand et le grec avaient vocation philosophique ? Sans doute pourrait-on illustrer ces propos en observant les recours et détours par lesquels un penseur comme Sartre, dans l'Etre et le Néant se trouve tenu de passer pour arriver à ses fins : recours constant au vocabulaire philosophique allemand, omniprésence d’italiques, guillemets marquant des emprunts ou des inventions terminologiques d’appoint pour surmonter les limites du français en tant que langue d’écriture philosophique… Mais sans doute est-ce encore là prendre l’effet pour la cause et justifier une abondante production historique dans des langues données par des raisons d’ordre structurel et linguistique…

Si l’on ne peut nier qu’il existe des spécificités distinctives propre à chaque langue, Gilles Philippe nous montre aussi comment l’on peut glisser vers des interprétations globalisantes et la constitution d’un imaginaire linguistique qui déborde largement le cadre de la description grammaticale.



Langue non poétique, non philosophique, indigente quant à son lexique, aliénante quant à sa syntaxe, c’est un sombre tableau qui a été ici brossé… Mais Gilles Philippe nous explique aussi comment les écrivains français ont su faire de mauvaise fortune bon pot en retournant à leur avantage ces nombreuses faiblesses constatées ou supposées de l’idiome avec lequel il leur était donné de travailler… Et c’est sans doute là que s’est joué, dans l’imaginaire collectif et littéraire, un tour de force remarquable que résume parfaitement ces propos de Jean-François de la Harpe :

« Louange et gloire aux grands hommes qui nous ont rendu, par leur génie, la concurrence que notre langue nous refusait ; qui ont couvert notre indigence de leur richesse ; qui, dans la lice où les anciens triomphaient depuis tant de siècles, se sont présentés avec des armes inégales, et ont laissé la victoire douteuse et la postérité incertaine ; enfin, qui, semblables aux héros d’Homère, ont combattu contre les dieux, et n’ont pas été vaincus »

Cette louange aura elle aussi longue vie et c’est curieusement les discours critiques essuyés au cours des siècles par la langue française qui la rendront si vivace. Deux idées ont donc permis de valoriser la littérature française à l’ombre de cette histoire critique de la langue elle-même. Gilles Philippe nous les rappelle :

« La première sous-tend ce que nous venons de lire : l’ingratitude de l’idiome était telle que nos écrivains durent travailler plus encore que les autres et, par conséquence paradoxale, fournirent de plus grandes œuvres encore. La seconde va à l’opposé : parce que nos écrivains n’auraient pu créer des chefs-d’œuvre dans la langue qu’ils ont reçue, c’est contre elle qu’ils ont travaillé, quitte à la forcer »

Cette obsession du travail de l’écrivain sur la langue (que Flaubert incarnera finalement de manière indépassable [ndlr]), constituerait donc, dans l’imaginaire littéraire tout au moins, une spécificité française. Comment parvenir à laisser sortir indemne de l’épreuve du gueuloir des phrases fondues dans la langue la plus antilyrique qui soit ? Comment «faire de l’or avec une langue de plomb» ?

Que ce travail soit le lot de la plupart des écrivains dans toutes les langues du monde ne fait, au fond, pas de doute. Il serait simplement revenu aux écrivains français, premiers à se prêter au jeu des représentations négatives et restrictives de leur propre langue, de le mettre plus visiblement en exergue.

Gilles Philippe signe ici un ouvrage dense et intelligent, à lire avec gourmandise pour se remettre dans le jus de la langue.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Gilles Philippe, Le français, dernière des langues. Histoire d'un procès littéraire. PUF. 2010
 
 
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1 commentaire:

  1. Merci car je trouve si difficile d'écrire en français mais maintenant je n'aurai plus de doute qu'en au fait que c'est normal (voyez ce que je veux dire...!). Je vais approfondir mon anglais pour être plusss libre.

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