jeudi 14 février 2019

> Le poème du jeudi (#92)




LES GARDIENS

Les gardiens préposés à notre surveillance
Sont de braves gars. De sang paysan,
Arrachés à la sécurité des villages
Et plongés dans un monde étranger, incompréhensible.


Ils ne parlent guère. Seuls leurs yeux posent
Parfois une question muette, comme s’ils voulaient savoir
Ce que devraient toujours ignorer leurs cœurs
Accablés par le lourd destin de leur pays natal.


Ils viennent des régions orientales
Du Danube, que la guerre a déjà dévastées.
Leur lignée est morte, leur patrimoine anéanti.


Peut-être attendent-ils encore un signe de vie.
Ils font en silence leur service. Prisonniers – eux aussi.
Le comprendront-ils ? Demain ? Plus tard ? Jamais ?


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Albrecht Haushofer, in Sonnets de la prison de Moabit (1944-1945). Éditions de la Coopérative, 2019.Traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson.

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