samedi 9 janvier 2016

> Les encavés

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De Mika Bierman, auteur qui ne ferme aucune porte à ses beaux délires littéraires, peut-être avez-vous déjà lu Un blanc, paru chez Anacharsis en 2013 (réappropriation déjantée du roman d’exploration scientifique) – ou Blooming, publié plus récemment chez le même éditeur (qui nous plonge quant à lui en grande westernerie revue et habitée). Peut-être, entre les deux, avez-vous sauté la marche de Mikki et le village miniature.  Si c’est le cas, marche arrière amis lecteurs, car voilà qui mérite le détour. Armez-vous d’une loupe, respirez un grand bol d’air et descendez à la cave…








Mikki est un ado trentenaire, obèse, psoriasique, addict au tabac, à la pizza quatre fromages et à La petite maison dans la prairie dont il se repasse en boucle tous les épisodes, qu’il connaît déjà par cœur. Il est sale, ne fait rien, n’a pas de copine, pas d’ami et ne sort jamais.  Quand s’ouvre le roman, ses parents (chez lesquels il végète) viennent de mourir dans un accident de téléphérique.


« Quelque part, près de Genève, la belle mécanique suisse s’est enrayée ».


Elle ne sera pas la seule.

En rien affecté, il continue à vivre selon ses habitudes. Le jardin devient une forêt vierge, les mouches volent autour des assiettes empilées dans l’évier et ses dents continuent à jaunir. Tout va bien. Et puis un jour, il descend à la cave. C’est là que son père passait des heures à contempler  ses trains miniatures. Mais ce qu’il prend d’abord pour un circuit s’avère être une maquette de village. En y regardant de plus près, il découvre que la maquette, n’en est pas une. Il s’agit d’un vrai village, un minuscule village, bien propre, bien fait. Et surtout habité, par des hommes, des femmes, des enfants, des chiens ainsi que par quelques squelettes et morts-vivants…


Partant de là, le roman de Mika Biermann bascule dans une volée de chapitres étourdissants qui nous introduisent dans cet univers souterrain. Un univers qui semble tout ignorer de l’autre, le vrai, enfin…celui de la fiction où un personnage nommé Mikki se penche sur ce petit monde bien plus agité et déroutant que ce que pourraient le laisser d’abord penser ses allures proprettes.


L’action dure une semaine, du samedi au dimanche, mais le temps d’en bas n’est peut-être pas le même. Mikki observe, ne voit pas ce qui se passe vraiment, il lui faudra se procurer une fibre optique pour percer tout de même quelques secrets. Il cherche à entrer en contact avec  les habitants de ce « village parallèle », mais on l’ignore et il ne semble pas non plus être en mesure d’interagir sur ce petit monde. Jusqu’à ce que…


Grâce à notre auteur généreux, nous aurons plus de chance que Mikki sur le volet de l’observation… Que se passe-t-il en ce bas monde ? Il serait dommage de vous conter par le menu détail ce grand bazar puisque les livres sont faits pour être lus…


Disons toutefois que vous y croiserez des flics, des tortionnaires, un troll partouzeur, une veuve courtisée par son voisin d’en face, un squelette somme toute assez sympa (« S’il avait encore des poumons, il pousserait un long soupir nostalgique »), une hénaurme femme enceinte, un roman en train de s’écrire qui nous promène du côté de la dictature chilienne, et beaucoup d'autres choses... Des intrigues se nouent, se croisent ou explosent en plein vol.


N’y a-t-il vraiment aucun lien entre ce village et le monde de Mikki ? Pas si sûr… Mais c’est subtil, embryonnaire, dérangeant.


Voilà un livre explosif, et pas seulement pour sa fin. Une sorte de Vie mode d’emploi version trash, drôle et corrosive, qui  navigue librement du côté de la violence, du sexe et de la mort - et de leurs artefacts.


Un beau clin d’œil aussi à la question de la création littéraire, du secret, du visible et de l’invisible… Qui est l’objet de qui ? De qui suis-je la créature ou le deus ex-machina ? Et après le feu d’artifice final, quel sort Mika réservera-t-il à Mikki ?












Mika Biermann, Mikki et le village miniature. P.O.L. 2015.



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