De Mika Bierman, auteur qui ne ferme aucune porte à ses beaux
délires littéraires, peut-être avez-vous déjà lu Un blanc, paru chez Anacharsis en 2013 (réappropriation déjantée du
roman d’exploration scientifique) – ou Blooming,
publié plus récemment chez le même éditeur (qui nous plonge quant à lui en
grande westernerie revue et habitée). Peut-être, entre les deux, avez-vous
sauté la marche de Mikki et le village miniature. Si c’est le cas, marche arrière amis
lecteurs, car voilà qui mérite le détour. Armez-vous d’une loupe, respirez un
grand bol d’air et descendez à la cave…
Mikki est un ado trentenaire, obèse, psoriasique, addict au
tabac, à la pizza quatre fromages et à La
petite maison dans la prairie dont il se repasse en boucle tous les
épisodes, qu’il connaît déjà par cœur. Il est sale, ne fait rien, n’a pas de
copine, pas d’ami et ne sort jamais.
Quand s’ouvre le roman, ses parents (chez lesquels il végète) viennent
de mourir dans un accident de téléphérique.
« Quelque part, près de Genève, la belle mécanique
suisse s’est enrayée ».
Elle ne sera pas la seule.
En rien affecté, il continue à vivre selon ses habitudes. Le
jardin devient une forêt vierge, les mouches volent autour des assiettes
empilées dans l’évier et ses dents continuent à jaunir. Tout va bien. Et puis
un jour, il descend à la cave. C’est là que son père passait des heures à
contempler ses trains miniatures. Mais ce
qu’il prend d’abord pour un circuit s’avère être une maquette de village. En y
regardant de plus près, il découvre que la maquette, n’en est pas une. Il s’agit
d’un vrai village, un minuscule village, bien propre, bien fait. Et surtout
habité, par des hommes, des femmes, des enfants, des chiens ainsi que par
quelques squelettes et morts-vivants…
Partant de là, le roman de Mika Biermann bascule dans une
volée de chapitres étourdissants qui nous introduisent dans cet univers souterrain.
Un univers qui semble tout ignorer de l’autre, le vrai, enfin…celui de la
fiction où un personnage nommé Mikki se penche sur ce petit monde bien plus
agité et déroutant que ce que pourraient le laisser d’abord penser ses allures
proprettes.
L’action dure une semaine, du samedi au dimanche, mais le
temps d’en bas n’est peut-être pas le même. Mikki observe, ne voit pas ce qui
se passe vraiment, il lui faudra se procurer une fibre optique pour percer tout
de même quelques secrets. Il cherche à entrer en contact avec les habitants de ce « village parallèle »,
mais on l’ignore et il ne semble pas non plus être en mesure d’interagir sur ce
petit monde. Jusqu’à ce que…
Grâce à notre auteur généreux, nous aurons plus de chance
que Mikki sur le volet de l’observation… Que se passe-t-il en ce bas monde ?
Il serait dommage de vous conter par le menu détail ce grand bazar puisque les livres
sont faits pour être lus…
Disons toutefois que vous y croiserez des flics, des tortionnaires, un troll
partouzeur, une veuve courtisée par son voisin d’en face, un squelette somme
toute assez sympa (« S’il avait
encore des poumons, il pousserait un long soupir nostalgique »), une
hénaurme femme enceinte, un roman en train de s’écrire qui nous promène du côté de la dictature chilienne, et beaucoup d'autres choses... Des intrigues
se nouent, se croisent ou explosent en plein vol.
N’y a-t-il vraiment aucun lien entre ce village et le monde
de Mikki ? Pas si sûr… Mais c’est subtil, embryonnaire, dérangeant.
Voilà un livre explosif, et pas seulement pour sa fin. Une
sorte de Vie mode d’emploi version
trash, drôle et corrosive, qui navigue
librement du côté de la violence, du sexe et de la mort - et de leurs artefacts.
Un beau clin d’œil aussi à la question de la création
littéraire, du secret, du visible et de l’invisible… Qui est l’objet de qui ?
De qui suis-je la créature ou le deus ex-machina ? Et après le feu d’artifice
final, quel sort Mika réservera-t-il à Mikki ?
Mika Biermann, Mikki
et le village miniature. P.O.L. 2015.
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