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L’expansion coloniale allemande sur les territoires de l’actuelle Namibie à la fin du XIXème et au début du XXème siècles reste par bien des aspects l’un des pans les moins connus de l’histoire du colonialisme européen en Afrique noire. A preuve, l’un des épisodes les plus sombres de cette période, généralement peu développé et que de nombreux historiens considèrent pourtant aujourd’hui comme marquant le premier génocide du XXème siècle : le massacre massif des Hereros, importante population du sud-ouest africain, à partir de 1904, suite à leur soulèvement réprimé contre l’administration allemande.
L’expansion coloniale allemande sur les territoires de l’actuelle Namibie à la fin du XIXème et au début du XXème siècles reste par bien des aspects l’un des pans les moins connus de l’histoire du colonialisme européen en Afrique noire. A preuve, l’un des épisodes les plus sombres de cette période, généralement peu développé et que de nombreux historiens considèrent pourtant aujourd’hui comme marquant le premier génocide du XXème siècle : le massacre massif des Hereros, importante population du sud-ouest africain, à partir de 1904, suite à leur soulèvement réprimé contre l’administration allemande.
Les éditions du passager clandestin viennent de publier un document unique qui s’inscrit dans cette période et l’éclaire d’une manière inédite : la correspondance que le chef de guerre nama Hendrik Witbooi entretint avec ses ennemis africains ancestraux et avec les représentants successifs de l’autorité coloniale prussienne de 1884 à 1894, une dizaine d’années avant sa mort au cours d’un combat contre les forces du Kaiser. Dernier combat qu’il mena à l’âge de 74 ans… Cette correspondance est complétée par des notes et une série de paratextes (dont une éclairante préface de Coetzee) qui permettent de la réinscrire pleinement dans son contexte et d’en comprendre à chaque étape la portée et les enjeux.
Au-delà du témoignage historique qu’elles constituent, ces lettres sont bouleversantes à plus d’un titre. Witbooi fut en effet l’un des rares chefs locaux à refuser la « protection » que l’Empire s’efforça de mettre en place sur l’ensemble de ces territoires. L’un des seuls à comprendre très tôt que de tels accords ne pouvaient conduire qu’à la soumission et l’aliénation de ceux qui les ratifiaient et de leurs peuples. Il met en garde ses homologues des autres tribus, cherche pour l’occasion à construire la paix avec eux et refuse aussi longtemps que possible, dans de longues missives aux accents parfois voltairiens et plus souvent prophétiques (Witbooi était un luthérien prosélyte…), de renoncer à sa souveraineté et à l’indépendance de son peuple. Tantôt visionnaire et fin diplomate, tantôt pathétique dans sa volonté d’opposer une logique de l’honneur et du droit à l’effarante machine coloniale qui se déploie face à lui, Witbooi nous fait ici entrer au cœur d’une histoire complexe et douloureuse.
L’autre particularité de ces lettres est qu’elles développent souvent, par le statut qu’elles réservent à la violence, un discours anticolonial auquel certaines autres figures historiques ne nous avaient pas habitué. Witbooi, lui-même en conflit avec d’autres communautés, semble englober dans le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, celui qu’ils ont de se faire la guerre… Une position qui ne peut se comprendre que par l’histoire singulière de cette partie du continent et qui l’amène parfois à convoquer face à l’expoliateur blanc des arguments qui, sur le fond, pourraient justifier le fait colonial lui-même…
Que l’on ne s’y méprenne pas : la résistance que Witbooi opposa aux forces coloniales de l’Empire ne s’accommodait pas d’une vision particulièrement pacifiste de la société. L’enjeu n’était pas de conserver contre les ambitions prussiennes un Eden précolonial régi par l’entente et la cordialité entre frères africains, loin s’en faut. La guerre aura été la grande histoire de sa vie. A l’heure où le colonialisme allemand resserre son étau sur les vastes régions du sud-ouest africain, celui qui allait devenir le représentant des différentes communautés du Namqualand, était avant tout un chef de guerre. Depuis plusieurs générations une série d’antagonismes opposait ceux de son clan à plusieurs autres communautés et principalement aux Hereros. Vols de bétails, massacres, batailles rangées, villages incendiés ponctuaient régulièrement les relations des Namas et des Hereros, et la guerre tribale était l’une des occupations favorites de ceux qui allaient bientôt être confrontés à la machine coloniale.
Dans sa préface, John Coetzee retrace les grands moments de cette histoire agitée qui précède l’arrivée des colons allemands. Réduits à l’état de servitude par les Boers (fermiers néerlandophones installés en Afrique australe depuis le XVIIème siècle), lors de leur avancée vers le nord, les peuples de langues khoïsan s’étaient eux-mêmes déplacés plus au nord vers les territoires namas et avaient soumis à leur tour les communautés indigènes de ces régions avant de se mélanger à elles. La dynastie des Witbooi est directement issue de ces populations déplacées, conquises et à leur tour conquérantes, en marche vers le nord. L’une des conséquences de cette occupation des territoires du nord par les groupes qui avaient fui l’invasion des Boers fut la désagrégation des équilibres traditionnels et notamment de l’élevage tel qu’il était pratiqué en territoire nama. Le commerce se substitua peu à peu à un pastoralisme qui ne pouvait plus se suffire à lui-même et si l’élevage perdura, ce ne fut qu’au prix d’une recherche constante de nouvelles têtes de bétail parmi les troupeaux voisins, en d’autres mots, d’un état de guerre tribale perpétuelle. L’homme que les forces du Kaiser trouvent ainsi sur leur chemin n’est pas un paisible chef indigène vivant de cueillette et de chasse à l’arc. Hendrik Witbooi est un guerrier, certes local, mais un guerrier tout de même… Il a déjà lui-même conquis des territoires et son peuple dispose depuis longtemps d’armes à feu régulièrement acquises dans le cadre d’échanges commerciaux avec les Européens et notamment les Britanniques. L’affrontement entre communautés, au-delà des vieilles injures à laver ou de la persistance d’inimitiés familiales lointaines, constituait la pièce centrale d’une sorte de stabilité économique par défaut qui, dans ce contexte historique perturbé, n’avait pas encore trouvé d’autre alternative. D’où le fait, surprenant pour le lecteur d’aujourd’hui, que Witbooi s’y réfère souvent comme à un droit et une tradition. Ses revendications auprès de l’administration coloniale semblent souvent se ramener à la supplique suivante : «Mais laissez-nous donc nous battre en paix…». Il est d’ailleurs amusant, lorsque les Prussiens, conscients de ce qu’ils ont à y gagner, interdisent l’importation des armes à feux sur les territoires qu’ils souhaitent occuper, de voir Witbooi appeler de ses vœux leur prolifération illimitée.
Dans sa préface, John Coetzee retrace les grands moments de cette histoire agitée qui précède l’arrivée des colons allemands. Réduits à l’état de servitude par les Boers (fermiers néerlandophones installés en Afrique australe depuis le XVIIème siècle), lors de leur avancée vers le nord, les peuples de langues khoïsan s’étaient eux-mêmes déplacés plus au nord vers les territoires namas et avaient soumis à leur tour les communautés indigènes de ces régions avant de se mélanger à elles. La dynastie des Witbooi est directement issue de ces populations déplacées, conquises et à leur tour conquérantes, en marche vers le nord. L’une des conséquences de cette occupation des territoires du nord par les groupes qui avaient fui l’invasion des Boers fut la désagrégation des équilibres traditionnels et notamment de l’élevage tel qu’il était pratiqué en territoire nama. Le commerce se substitua peu à peu à un pastoralisme qui ne pouvait plus se suffire à lui-même et si l’élevage perdura, ce ne fut qu’au prix d’une recherche constante de nouvelles têtes de bétail parmi les troupeaux voisins, en d’autres mots, d’un état de guerre tribale perpétuelle. L’homme que les forces du Kaiser trouvent ainsi sur leur chemin n’est pas un paisible chef indigène vivant de cueillette et de chasse à l’arc. Hendrik Witbooi est un guerrier, certes local, mais un guerrier tout de même… Il a déjà lui-même conquis des territoires et son peuple dispose depuis longtemps d’armes à feu régulièrement acquises dans le cadre d’échanges commerciaux avec les Européens et notamment les Britanniques. L’affrontement entre communautés, au-delà des vieilles injures à laver ou de la persistance d’inimitiés familiales lointaines, constituait la pièce centrale d’une sorte de stabilité économique par défaut qui, dans ce contexte historique perturbé, n’avait pas encore trouvé d’autre alternative. D’où le fait, surprenant pour le lecteur d’aujourd’hui, que Witbooi s’y réfère souvent comme à un droit et une tradition. Ses revendications auprès de l’administration coloniale semblent souvent se ramener à la supplique suivante : «Mais laissez-nous donc nous battre en paix…». Il est d’ailleurs amusant, lorsque les Prussiens, conscients de ce qu’ils ont à y gagner, interdisent l’importation des armes à feux sur les territoires qu’ils souhaitent occuper, de voir Witbooi appeler de ses vœux leur prolifération illimitée.
«Les gens de ce pays vivent par le fusil : nous sommes pauvres et vivions de ce que nous parvenons à tuer. Ce ne sont pas les armes qui provoquent la guerre, mais le mal au cœur des hommes. Et c’est à cause du mal en l’homme que Dieu vous a donné, à vous les Blancs, le savoir et la faculté de fabriquer des armes : afin que ce mal provenant du cœur humain soit puni comme par le fouet, chez toute nation se refusant à vivre selon la volonté de Dieu. Les armes à feu sont donc l’instrument de Dieu dans la guerre par laquelle, à travers une nation, Il en visite une autre. C’est possible grâce aux armes à feu ; c’est pourquoi je vous demande, cher ami, de rouvrir l’approvisionnement en armes, des les laisser circuler librement à travers le monde afin que tous puissent les acquérir comme par le passé, et puissent vivre par le fusil.»
Programme assez éloigné de ce que l’on pourrait attendre d’un discours anticolonial «politiquement correct»…
Si les termes de souveraineté et de liberté reviennent souvent sous la plume d’Hendrik Witbooi lorsqu’il s’adresse aux administrateurs coloniaux qui l’invitent en vain à se ranger sous la protection de l’Empire, c’est finalement sur une certaine conception de la guerre que les deux parties s’opposent. On a souvent l’impression, en le lisant, qu’il ne s’indigne pas tant de ce qu’une nation étrangère puisse vouloir conquérir un peuple ou un territoire, que de la façon dont cette conquête peut être menée.
Première forme de conquête que Witbooi n’accepte pas : la fameuse « protection ». Elle se présente sous la forme frauduleuse d’une main tendue, qui cache mal l’asservissement qu’elle autorise. Il n’y cèdera d’ailleurs qu’en tout dernier recours, plusieurs années après la plupart des autres chefs de clans et lorsque cette protection sera devenue le seul moyen pour lui d’épargner à son peuple un massacre programmé…. A l’inverse, dès 1890, les Hereros signent un traité les plaçant sous protection allemande. Leur chef pense par cette voie pouvoir obtenir un appui conséquent dans le conflit qui l’oppose à Witbooi tout en conservant sa souveraineté dans l’administration de ses territoires. Hendrik Witbooi adresse alors à Samuel Maharero (devenu capitaine à la mort de son père) une série de courriers pour l’alerter et lui faire prendre conscience de l’erreur monumentale qu’il vient de commettre. Dans ces lettres, Witbooi fait preuve d’une lucidité politique étonnante : il sait que la protection est synonyme de servage et que par ce traité, les Hereros se sont aliénés corps et âme, ce dont ils ne tarderont pas à se rendre compte par eux-mêmes.
«Etre protégé par un gouvernement allemand ! Mais mon cher Capitaine ! Est-ce que vous réalisez ce que vous avez fait, ou pour qui vous avez fait ce que vous avez fait ? Vous a-t-on convaincu de le faire, ou est-ce le résultat de votre seule compréhension éclairée des choses ?»
Mais il s’insurge aussi contre une sorte de trahison tacite : Samuel Maharero aurait en quelque sorte perverti les termes d’un conflit ancestral entre «frères africains» en enchaînant «leur» vieille guerre à la puissance du colon blanc… Il en appelle alors, à travers une série de formules courtoises mais mordantes, à la fierté défunte de son homologue.
«Dites moi, cher Capitaine, quels dangers craignez-vous ? Vous ai-je vaincu ? Etes-vous si faible et sans défense que vous ayez besoin d’un pouvoir et d’un soutien étranger ? Je n’arrive pas à croire que votre grande nation et vous-même, qui vous dites chef suprême du Heroroland, puissiez avoir besoin contre moi de plus de puissance, alors que vous m’êtes déjà supérieur à tous égards, en hommes, en armes et en argent.»
Face à l’incursion coloniale allemande, le frère-ennemi aurait dû être avant tout, aux yeux de Witbooi, un allié naturel. Dès les débuts de l’expansion coloniale, Hendrik Witbooi s’efforcera de réunifier la plupart des communautés du Namaland et de sceller la paix avec les Hereros, ne parvenant à ce second objectif que partiellement et trop tardivement. Witbooi avait très bien perçu ce que Coetzee semble en mesure d’affirmer avec tout le recul dont il dispose, à savoir que «si les peuples du territoire s’étaient tout de suite unis pour résister aux colonisateurs, ils seraient peut-être parvenus à rendre l’entreprise trop coûteuse pour l’Allemagne».
Si Witbooi aspire fortement à cette unification, on voit aussi dans ces lettres l’effort qu’elle appelle de sa part… Il est amusant de voir à quel point, alors qu’il voudrait que le chef suprême des Hereros tienne tête à ses côtés aux Allemands, il lui est souvent difficile de renoncer à évoquer les torts qu’il attribue aux Hereros dans la guerre qui les oppose. Ses discours alternent entre conciliation et reproche, appel à la raison et dénonciation…
«Vous regretterez éternellement d’avoir abandonné votre terre et votre droit de régner entre les mains des hommes blancs. Car cette guerre entre nous n’est, de loin, pas un fardeau aussi lourd que vous semblez l’avoir pensé quand vous avez pris cette décision capitale. Cette guerre résulte de causes et de problèmes précis et aboutira, avec le temps, à une paix juste […]»
Note fraternelle, pleine d’espoir et de modération, aussitôt suivie de l’évocation, sur un tout autre ton, des causes de la dite guerre…
«Vous savez que cette guerre n’est pas sans fondements, qu’elle n’a pas commencé sans raison, mais qu’elle est née de la suffisance de vos actes, du cœur assassin dont votre peuple fait preuve depuis les temps les plus reculés et que le prêche constant de l’Evangile ne parvient pas à réformer».
L’autre forme de conquête que Witbooi trouve illégitime est celle qui passe par une guerre qui renoncerait aux codes de l’honneur. Lorsqu’il s’adresse à ses interlocuteurs allemands, il évoque bien sûr sa volonté de rester libre mais surtout son droit à pouvoir défendre cette liberté. C’est pour cela que la question des armes est sa préoccupation centrale. On ne peut affronter d’ennemi que dans la mesure où il est en capacité de se défendre. C’est cette logique qui conduit le Capitaine à cette étonnante requête auprès du colonisateur : celle de lui fournir les armes qui lui permettront de se défendre contre lui. Le 12 avril 1893, à Hoornkrans, Hendrik Witbooi est victime d’une attaque surprise des troupes allemandes conduites par le capitaine Von François. Il déplore de nombreuses pertes, notamment parmi les populations civiles. Il s’adresse alors à l’officier allemand, non pas tant pour revendiquer un quelconque droit à ne pas être attaqué, que celui de pouvoir se défendre.
«Et si vous avez l’intention de continuer à me combattre, je vous implore une nouvelle fois, cher ami, de m’envoyer deux caisses de cartouches Martini-Henry, de façon à ce que je puisse contre-attaquer. Jusqu’ici je n’ai pas attaqué, car vous avez interrompu mes fournitures d’armes, puis c’est vous qui m’avez attaqué. Aussi, donnez-moi des armes, comme il est de coutume entre grandes et nobles nations, afin que vous conquériez un ennemi armé : ainsi seulement votre grande nation pourra prétendre à une victoire honnête.»
Le discours de Witbooi en appelle plus à une logique de l’honneur dans la guerre qu’à une argumentation qui viserait à invalider le principe même de l’agression allemande. D’ailleurs, lorsqu’il évoque les territoires qui lui appartiennent et qu’il entend bien ne pas céder à l’appétit expansionniste du Kaiser, Witbooi n’éprouve aucune honte à rappeler qu’il les a lui-même conquis, mais, et tout est là à ses yeux, «au prix du sang». La dynastie qu’il dirige, et c’est là le paradoxe de cette figure de la résistance anti-coloniale qu’incarne Hendrik Witbooi, s’est historiquement développée en acquérant des terres qui ne lui appartenaient pas… C’est par contre dans le respect de l’équilibre des forces et des moyens que se place pour lui la question de la légitimité ou de l’illégitimité. Coetzee le rappelle, Witbooi était attaché à des règles strictes : ne jamais s’en prendre aux femmes et aux enfants, ne jamais attaquer un ennemi désarmé, respecter les prisonniers de guerre, offrir une sépulture aux combattants ennemis tués au combat, ne jamais trahir les termes d’une trêve avant qu’elle n’ait expiré… Valeurs d’un autre temps qui semblent souvent mises à mal, aussi bien par les forces allemandes que, à l’en croire, par certains de ces ennemis africains qui n’hésiteraient pas à massacrer femmes et enfants.
Les lettres de Witbooi réservent encore bien des surprises. Son entêtement à ne pas se soumettre, alors même que l’équilibre des forces joue largement en sa défaveur, donne lieu à des échanges épistolaires étonnants avec le capitaine Leutwein (autre administrateur colonial allemand). Witbooi y est souvent poignant lorsqu’il défend la liberté de son peuple et son désir irrépressible d’en rester le seul souverain. Les échanges frisent parfois la cocasserie lorsque Leutwein, exaspéré, lance à Witbooi ultimatum sur ultimatum, rassemblant tous les éléments objectifs qui tendent à lui démontrer qu’il n’a plus d’autre issue que de se soumettre…et que le vieux guerrier lui répond par des formules alambiquées et pleines de déférence pour lui faire savoir qu’il ne parvient toujours pas à se décider à renoncer à sa liberté… Emouvantes également ces lettres où Witbooi s’enquiert de la santé morale et physique de chacun de ses hommes capturés par l’ennemi. Il en tient le compte minutieux et insiste à chaque nouvelle lettre pour qu’ils soient traités avec égard et libérés au plus vite. Ou lorsqu’en pleine retraite dans les montagnes du désert namibien, blessé, malade au milieu du feu des combats, il continue à correspondre avec Leutwein, lui demandant en post-scriptum de lui faire parvenir du papier pour ses prochaines lettres…
Le journal d' Hendrik Witbooi sera saisi au cours d’un raid allemand en 1894. Nous n’avons plus trace de sa correspondance au-delà de cette date. Après une lutte acharnée, les tribus du Namaquland se soumettent et signent le traité honni. Ironie de l'histoire, en 1904, les Hereros se soulèvent contre une protection devenue depuis plusieurs années ce que Witbooi avait prédit qu’elle serait : une oppression cruelle et systématique. Le Capitaine du Namaqualand rejoint les rangs de ses ennemis de toujours pour combattre enfin à leurs côtés. Une alliance trop tard venue. Witbooi meurt au combat. Les Namas et les Hereros sont définitivement vaincus. Près de 100.000 hommes, femmes et enfants de cette dernière communauté seront exterminés entre 1905 et 1907 : exécutés, condamnés à mourir de soif ou de faim dans le désert ou déportés dans des camp de concentration sur différents territoires coloniaux allemands.
Héros de la résistance anticoloniale, chef de guerre charismatique et homme d’honneur, Hendrik Witbooi témoigne aussi, dans ces lettres, des violences historiques internes dont certaines populations d’Afrique australe n’ont pas su se déprendre à temps, quand leur salut pouvait encore en dépendre.
«Votre paix sera la mort de ma nation». Lettres de guerre d’Hendrik Witbooi, capitaine du Grand Namaqualand. Le passager clandestin. 2011. Préface de J.M. Coetzee. Traduit de l’anglais par Dominique Bellec.
Images : 1) Portrait de Hendrik Witbooi par Cobus van Bosch (source) / 3) Namaqualand (source) / 4) Leutwein et Samuel Maharero (source) / 5) Hendrik Witbooi en 1900 (source)
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