lundi 11 février 2013

> Les sœurs de sang

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Sylvia Plath est morte il y a cinquante ans aujourd'hui.

Alors voici juste un poème, Blackberrying, admirablement traduit ici par Valérie Rouzeau. Un poème que je ne me lasse pas de relire depuis des années.

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« Personne sur le chemin, et rien, rien sinon des mûres,
Des mûres de chaque côté, des mûres partout,
Une allée de mûres, qui descend en crochets, et une mer
Quelque part au bout, qui se soulève. Des mûres
Aussi grosses que mon pouce, aussi muettes que des yeux
Ebène dans les haies, et pleines
De jus bleu-rouge, qu’elles abandonnent sur mes doigts.
Je n’avais pas demandé de telles sœurs de sang ; elles doivent m’aimer.
Elles sont accommodantes, elles se font toutes petites pour tenir dans ma bouteille à lait.


Là-haut passent les chocards en volées noires, cacophoniques –
Bouts de papier brûlé qui tournoient dans un ciel orageux.
Leur voix est la seule voix, elle proteste, proteste.
Je ne crois plus que la mer apparaîtra.
Les hautes prairies vertes s’embrasent, comme illuminées de l’intérieur.
J’atteins un buisson de baies si mûres que c’est un buisson de mouches,
Suspendant leurs ventres bleu-vert et leurs ailes en un paravent chinois.
Le sirupeux festin de baies les a tout étourdies ; elles croient au paradis.
Un crochet encore, et les baies et les buissons finissent.


Il ne manque plus que la mer maintenant.
D’entre deux collines un vent soudain s’abat sur moi
Et me gifle le visage de son linge fantôme.
Ces collines sont trop vertes et douces pour avoir goûté le sel.
J’emprunte le sentier aux moutons qui les sépare. Un ultime crochet me mène
A la face nord des collines, et cette face est de roc orange
Et ne donne sur rien, rien sinon un grand espace
De lumières, blanches et d’étain, et un vacarme comme d’orfèvres
Frappant, frappant encore un métal intraitable.»

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Sylvia Plath, La cueillette des mûres in La Traversée. Poésie/Gallimard. 1999.
Traduit de l'américain par Valérie Rouzeau.



1 commentaire:

  1. Ça t'a quand même une autre gueule que cette quiche de Francis Ponge ! Grâce à Plath, on a un autre parti pris des choses.

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