jeudi 29 août 2019
> Le poème du jeudi (#120)
La tourterelle turque
[…]
C’est le tout à fait simple qui est impossible à dire. Et pourtant je le vois et je le sens, et il n’est pas de pensée, si puissante, si meurtrière soit-elle, qui m’en ait pu disjoindre jusqu’ici. Oiseau favorable, tu voyages dans ta patrie. Tu te poses ici ou là ou tu voles un court instant, peut-être t’éloignes-tu la nuit davantage, mais quoi que tu fasses, c’est comme si rien ne manquait, comme si tu étais la voix qui monte et descend les degrés du monde, entre terre et ciel, jamais en dehors, toujours dans le globe infini, libre mais au-dedans, là, tout proche, à la fourche des branches argentées, n’attendant ni ne fuyant rien, voyageur qu’une seconde de joie sans aucune raison dérobe au mouvement du voyage pour le laisser posé, arrêté où ? dans la lumière des feuilles qui bientôt vont tomber pour faire place au ciel, au temps doré d’octobre, vêtu d’air, incapable soudain de plus entendre aucun mot comme aller, ou partir, ou frontière, ou étranger. Bienheureux vêtu de sa lumière natale.
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Philippe Jaccottet, in Paysages avec figures absentes, Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, 2014.
Publié par
FIOLOF
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